Évolution
Imagine
que tu as presque fait le tour du monde en solitaire. Bientôt, tu
arrives à Sydney ton port d'attache. Tu es fier et tu éprouves le
bonheur sous la forme de son attente. L'anticipation qui est parfois
plus forte que le bonheur lui-même. Une tempête soudaine, comme
seul le Pacifique est capable, détruit partiellement ton navire. Ton
GPS est avarié. Tu es projeté contre la paroi et perds
connaissance. Quand tu reprends tes esprits, tu réalises ne pas
avoir lancé de SOS. Tu regardes ta montre qui est cassée. Ton
portable est introuvable. Balayé par une vague te dis-tu.
Le
gouvernail brisé, ton bateau flotte à la dérive. Tu essaies de
réparer ton bateau. Il ne prend pas l'eau, c'est la seule bonne
nouvelle. Peu-à-peu tu reconnais qu'on ne saura te trouver sans le
signal indiquant ta présence. Une semaine passe, puis deux. Tu
envisages l'idée de mourir seul au milieu de l'océan. Presque
inconcevable de nos jours, te dis-tu. Tu rejettes cette possibilité
avec toute la force de ta raison. L'instinct, lui, déverse quantité
d'hormones dans ton flux sanguin. Tu es stressé. Tu réalises que tu
es en mode de survie quand une lucidité presque irréelle te saisit.
Tu rationalises tes aliments. Il faut que je vive le plus longtemps
possible, te répètes-tu. Tu pêches. Tu improvises un collecteur
d'eau de pluie. L'eau, c'est la vie, te dis-tu en finissant. Ainsi,
l'espoir, meilleur ami et grand illusionniste, persiste au milieu de
ta poitrine, sur ce bateau, au milieu de cet océan planète.
Pourtant, aucun avion, aucun navire pendant déjà un mois.
Un
beau matin, tu aperçois quelque chose. D'abord, une irrégularité à
la ligne de l'horizon ensuite une tache plus sombre. C'est une île.
Tu trouves
le pistolet de détresse
et tu tires
incessamment
en l'air si bien que tu finisses
toute la munition. Pourtant personne en vue. Tu es en train de
t’éloigner
de l'île. Tu
embarques
à la va-vite
sur une planche flottante quelques affaires et tu
te mets à nager.
Tu
arrives exténué
sur cette île inconnue qui deviendra ta
demeure.
Mais elle
est inhabitée. Tu la découvres
mois après mois, année après année. Elle est généreuse, il y a
assez de nourriture. Tu as même réussi
à faire pousser du blé car tu as récupéré sans
réfléchir la couronne
d'épi qui ornait ta cabine. C'était un cadeau de la part de ta
copine ukrainienne où ce céréale est symbole d'abondance.
Maintenant, tu fais du
pain.
Chaque
soir devant le ciel étoilée, tu remarques le passage fugace d'un
satellite. Il passe
toujours à la même heure. Crée
par l'être humain. Fiable,
efficace, ponctuel.
Et
là, tu te mets à réfléchir :
afin de pouvoir communiquer avec toute la planète un seul
portable suffirait.
Un portable que tu trouves dans toute boutique obscure. Supposons
que
tu connaisses son fonctionnement par cœur. Pour en fabriquer un
seul,
tu as
besoin de combien de siècles ? Car non seulement, il te faut
récréer le plastique, extraire
les métaux, obtenir
le quartz mai il tu
dois construire une
centrale électrique
afin de le charger. Et
pour cela, tu ajoutes encore quelques siècles. Combien
de savoir incorporé dans ces objets qui
nous entourent ? Combien de millénaires
d'évolution condensés dans
le creux de nos mains ?
Tu
penses à ta ville. La
civilisation te manque. Tu
penses à ta maison, aux êtres chers que tu as connus.
Tu verses des larmes.
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