lundi 22 février 2016

Évolution

Évolution

    Imagine que tu as presque fait le tour du monde en solitaire. Bientôt, tu arrives à Sydney ton port d'attache. Tu es fier et tu éprouves le bonheur sous la forme de son attente. L'anticipation qui est parfois plus forte que le bonheur lui-même. Une tempête soudaine, comme seul le Pacifique est capable, détruit partiellement ton navire. Ton GPS est avarié. Tu es projeté contre la paroi et perds connaissance. Quand tu reprends tes esprits, tu réalises ne pas avoir lancé de SOS. Tu regardes ta montre qui est cassée. Ton portable est introuvable. Balayé par une vague te dis-tu.
    Le gouvernail brisé, ton bateau flotte à la dérive. Tu essaies de réparer ton bateau. Il ne prend pas l'eau, c'est la seule bonne nouvelle. Peu-à-peu tu reconnais qu'on ne saura te trouver sans le signal indiquant ta présence. Une semaine passe, puis deux. Tu envisages l'idée de mourir seul au milieu de l'océan. Presque inconcevable de nos jours, te dis-tu. Tu rejettes cette possibilité avec toute la force de ta raison. L'instinct, lui, déverse quantité d'hormones dans ton flux sanguin. Tu es stressé. Tu réalises que tu es en mode de survie quand une lucidité presque irréelle te saisit. Tu rationalises tes aliments. Il faut que je vive le plus longtemps possible, te répètes-tu. Tu pêches. Tu improvises un collecteur d'eau de pluie. L'eau, c'est la vie, te dis-tu en finissant. Ainsi, l'espoir, meilleur ami et grand illusionniste, persiste au milieu de ta poitrine, sur ce bateau, au milieu de cet océan planète. Pourtant, aucun avion, aucun navire pendant déjà un mois.
Un beau matin, tu aperçois quelque chose. D'abord, une irrégularité à la ligne de l'horizon ensuite une tache plus sombre. C'est une île. Tu trouves le pistolet de détresse et tu tires incessamment en l'air si bien que tu finisses toute la munition. Pourtant personne en vue. Tu es en train de t’éloigner de l'île. Tu embarques à la va-vite sur une planche flottante quelques affaires et tu te mets à nager.
    Tu arrives exténué sur cette île inconnue qui deviendra ta demeure. Mais elle est inhabitée. Tu la découvres mois après mois, année après année. Elle est généreuse, il y a assez de nourriture. Tu as même réussi à faire pousser du blé car tu as récupéré sans réfléchir la couronne d'épi qui ornait ta cabine. C'était un cadeau de la part de ta copine ukrainienne où ce céréale est symbole d'abondance. Maintenant, tu fais du pain.
    Chaque soir devant le ciel étoilée, tu remarques le passage fugace d'un satellite. Il passe toujours à la même heure. Crée par l'être humain. Fiable, efficace, ponctuel.
Et là, tu te mets à réfléchir : afin de pouvoir communiquer avec toute la planète un seul portable suffirait. Un portable que tu trouves dans toute boutique obscure. Supposons que tu connaisses son fonctionnement par cœur. Pour en fabriquer un seul, tu as besoin de combien de siècles ? Car non seulement, il te faut récréer le plastique, extraire les métaux, obtenir le quartz mai il tu dois construire une centrale électrique afin de le charger. Et pour cela, tu ajoutes encore quelques siècles. Combien de savoir incorporé dans ces objets qui nous entourent ? Combien de millénaires d'évolution condensés dans le creux de nos mains ?
    Tu penses à ta ville. La civilisation te manque. Tu penses à ta maison, aux êtres chers que tu as connus. Tu verses des larmes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire